La sécurité sociale est née à la fin de la deuxième guerre mondiale, il y a maintenant plus de 75 ans. L’Etat a mis en place un système d’assurances sociales alimenté par des cotisations obligatoires qui soutient les citoyens dans les moments de la vie heureux (naissance, congés payés) et moins heureux (indemnités à la suite d’une maladie, perte de revenus, …). Il s’agit donc d’une assurance qui couvre les risques sociaux tout au long de la vie basée sur les contributions de la collectivité.

Chaque travailleur salarié doit céder un pourcentage de son salaire pour constituer cette « assurance ». Bref, chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins (moyennant certains plafonds).
Si ces règles sont respectées, la sécurité sociale devient un outil très puissant pour lutter contre les inégalités sociales.
Mais alors, quels sont les défis qui se font jour ? Comment en garantir la pérennité ? Et ce Covid-19 ?
Le Covid-19 et la mise en relief de l’essentiel
Début 2020, le Covid-19 est arrivé et a généré la plus grande crise connue depuis 1945. Outre les souffrances et les nombreux désagréments quotidiens, cette période difficile a mis en lumière des éléments vitaux qui passent souvent aux oubliettes aux yeux de nos politiques :

- Ce sont les travailleurs qui ont permis à l’économie et à la société de continuer à fonctionner ;
- Les travailleurs du secteur médical ont joué un rôle vital dans des conditions de travail extrêmement pénibles ;
- L’Etat et la sécurité sociale ont essayé d’absorber les chocs économique et humain ;
- Des soins de santé de qualité et le maintien du pouvoir d’achat sont deux conditions sine qua non pour résister à une crise majeure ;
- La solidarité est le ciment de notre société.
Personne ne peut nier ces constats. Alors, cette sécurité sociale, c’est quoi ? Pourquoi est-elle si importante ?
Quelles sont les branches de la sécurité sociale ?
Les branches principales pour les salariés sont :

- L’assurance maladie
Elle couvre les dépenses de soins de santé et la perte de revenu pour raison de santé. Elle rembourse via la Mutuelle l’essentiel des frais médicaux. Le travailleur ne paye que la partie non remboursable appelée « ticket modérateur ». - Les pensions
Le calcul de la pension se fait en pourcentage du salaire gagné durant toute la vie professionnelle. - L’Agence Fédérale des Risques Professionnels (FEDRIS)
En cas d’accident de travail ou sur le chemin du travail, FEDRIS paye les soins de santé et verse un revenu pendant l’indisponibilité. FEDRIS intervient également dans le cas d’exposition à des agents chimiques, … qui peuvent provoquer des maladies professionnelles. - L’assurance chômage
Gérée par l’Onem, le payement des indemnités est effectué, en général, par le biais d’un organisme syndical. - Les crédits-temps
Ils sont gérés par l’Onem. - L’Office National des Vacances Annuelles (ONVA)
Chaque travailleur peut bénéficier de 20 jours de congés légaux calculés au prorata de l’activité professionnelle de l’année précédente en touchant son salaire (pécule de vacances) et 92% du salaire du mois en cours (double pécule) dont on retire les taxes. - Les allocations familiales
Pour tout enfant, le travailleur reçoit une prime de naissance et des allocations mensuelles.
En outre, l’Office National de Sécurité Sociale (ONSS) perçoit les cotisations sociales et le Comité de gestion de la Sécurité Sociale finance les branches de la sécurité sociale à partir des cotisations versées à l’ONSS, et des dotations et financements alternatifs venant des autorités publiques.
Le financement de notre sécurité sociale
La sécurité sociale est principalement financée par les cotisations sociales (73%), les subventions de l’Etat (8%) et d’autres financements alternatifs (recettes de TVA, …).
En effet, une partie du salaire des travailleurs ne leur est pas versée mais finance la sécurité sociale (ONSS) via les cotisations sociales personnelles (13,07%) et les cotisations patronales (25%).
A titre d’exemple, les recettes destinées à l’ONSS représentaient 70,3 milliards d’Euro en 2018.
Réduction des cotisations patronales
Au fil du temps, les employeurs ont essayé de contribuer de moins en moins à la sécurité sociale en obtenant des réductions de cotisations pour favoriser l’emploi de « groupes cibles ».

De même, certains statuts échappent aux cotisations normales (étudiants, flexi-jobs, …).
Evidemment, cette approche réduit les recettes de la sécurité sociale et met donc sous pression les prestations de sécurité sociale. On pourrait également parler de la baisse de l’impôt des sociétés qui est passé de 34 à 25%, du premier travailleur engagé qui est exempt de cotisations à la sécurité sociale, …
Il y a encore ces formes alternatives de salaires comme les plans cafétéria qui permettent aux entreprises d’éviter de payer des cotisations à la sécurité sociale.
La sécurité sociale sous pression
Différentes menaces planent sur cette sécurité sociale qui garantit une protection sociale et une certaine qualité de vie. Quelles sont-elles ? Ne déformons pas la réalité et distinguons préjugés et réalité. Défis, menaces ?

- La régionalisation
Certains partis politiques prétendent que la sécurité sociale est sous pression à cause d’une autre région, d’une catégorie de population (demandeurs d’emploi, …) alors que, dans le même temps, ils en réduisent le financement en octroyant des avantages (plans cafétéria, …) aux entreprises.
Or, la sécurité sociale repose sur la solidarité entre les personnes et pas sur une région, un type de revenus, l’âge, la langue, … C’est un système de redistribution entre personnes.
S’il est vrai que les demandeurs d’emploi sont plus nombreux dans le sud du pays, il est tout aussi vrai de dire que les effets du vieillissement de la population se font plus sentir dans le nord du pays.
Scinder la sécurité sociale n’est donc pas une bonne idée.
Quel système deviendrait plus performant en réduisant sa base ? - La privatisation
Certains prônent le développement d’assurances privées pour se garantir une certaine sécurité sociale. Nous ne pouvons que constater une chose : ce processus creuse les écarts entre les différentes couches sociales et ne fonctionne pas (manque de connaissances des travailleurs pour faire les bons choix, …).
Un exemple flagrant sont les USA où les soins de santé sont essentiellement privatisés. Qu’y constate-t-on ? Un accès aux soins de santé à plusieurs vitesses, une espérance de vie de 3 ans en moins que chez nous.
L’élément de base de notre sécurité sociale collective est la solidarité, garantie d’une protection solide contre les risques sociaux. - Le manque de recettes
Si le mode de financement de la sécurité sociale n’est pas repensé très rapidement, elle risque simplement d’imploser. La logique d’économies existante a réduit de nombreux pans de notre sécurité sociale (diminution des allocations de chômage, …).
20% des cotisations ont disparu à la suite de réductions de cotisations, d’avantages extralégaux, rémunérations alternatives (écochèques, …) ou autres plans cafétéria.
L’Etat fédéral compense partiellement ces pertes mais de façon insuffisante.

- Utilisation abusive de la sécurité sociale
Mettre sans arrêt l’accent sur les dépenses et pas les recettes de la sécurité sociale est une arme utilisée pour monter les groupes les uns contre les autres ET plaider pour des économies. Outre les salaires, la sécurité sociale est alimentée à 30% par l’Etat.
Retenons ceci : réduire le budget de la sécurité sociale, c’est toucher aux indemnités de maladie, au remboursement des frais de santé, aux pensions, … - Evolutions sociales
Notre société évolue et beaucoup de personnes ne bénéficient pas d’une protection sociale suffisante en raison de leur parcours privé et/ou professionnel : augmentation des familles monoparentales, moins de carrières professionnelles complètes, davantage de temps partiels, … - Vieillissement de la population
S’il est vrai que l’espérance de vie augmente et pèse sur les pensions, ce n’est pas une raison pour détricoter notre sécurité sociale et le monde du travail. Ce qu’il faut, c’est une vision d’avenir pour trouver les ressources permettant de couvrir les nouveaux besoins liés au vieillissement.

- Le changement climatique
Le plus grand défi des prochaines décennies sera d’aller vers une société neutre au niveau du climat. Les réformes à prendre devront s’accompagner de mesures sociales pour aider les ménages défavorisés à réussir cette transition et supporter les coûts inévitables liés à cette évolution.
Une assurance très ou trop complexe …
Notre système social est devenu très complexe, au point qu’il est difficile de s’y retrouver et cela donne une image négative. Et comment en améliorer l’image quand on n’entend parler que d’économies, de non-proximité, de non-services des institutions, …
Que veut la FGTB (SETCa) ?

La FGTB (SETCa) veut un ancrage, un renforcement et un approfondissement de la sécurité sociale, une sécurité sociale qui offre la garantie de protéger chacun et en tout temps. Comment y parvenir ?
- Une sécurité sociale fédérale
Chaque citoyen doit pouvoir bénéficier de la même protection sociale, quel que soit l’endroit où il réside. Plus la base sera large, mieux la sécurité sociale sera organisée. - Assurance sociale et collective
Les systèmes complémentaires et privés accroissent les inégalités. Quand un de ces systèmes périclite, c’est le collectif qui prend la relève. - Des institutions publiques fortes
Des mesures drastiques d’économies ont été appliquées à des institutions comme ONSS, l’ONEm, SFP, … Or, une sécurité sociale ne peut être forte que si ces institutions sont préservées, voire renforcées alors que leur coût d’administration est inférieur au secteur privé.
Une gestion paritaire de la sécurité sociale garantit une vision à long terme et une certaine stabilité car elle réduit l’impact des ingérences politiques. - Un plan de financement durable et solide
Pour être stable, la sécurité sociale doit être refinancée.
Comment faire ?
– Renforcer le système de financement par des cotisations sociales via la création de qualité, une
révision des réductions de cotisations sociales, un frein aux emplois low costs, un moratoire sur
les plans cafétérias, …
– Assurer des sources de financement stables en augmentant la dotation de l’Etat, …
– Réorienter les réductions de cotisations patronales.
Une demande de diminution de cotisations patronales doit rester exceptionnelle et être
préalablement analysée en profondeur. Si elle est octroyée, elle doit être compensée par des
moyens publics.
– Revoir et rendre plus équitable la cotisation spéciale de sécurité sociale (CSSS)
Pour rappel, la CSSS (datant des années 1990) est due par tout travailleur salarié pour autant
que le salaire brut soit supérieur à 1.950 EUR/Mois.
La FGTB et le SETCa demandent que cette cotisation soit indexée, généralisée et s’applique
également aux revenus des indépendants, des sociétés, …
– Supprimer les avantages fiscaux injustes (réduction fiscale pour la deuxième habitation) et les
réinvestir dans la sécurité sociale.
– Lutter efficacement contre la fraude sociale et fiscale en renforçant les moyens d’inspection. - Quelles sont les améliorations les plus urgentes ?
– Allocations minimales à relever jusqu’à 10% au-dessus du seuil de pauvreté.
– Cotisations sociales perçues sur le salaire brut total (pas le cas des
indépendants).
– Harmonisation des pourcentages de calcul indépendamment de la situation familiale.
– Adapter les plafonds salariaux à l’évolution des salaires.
– Liaison au bien-être indispensable.
Supprimer des négociations inutiles sur les salaires et adapter automatiquement l’évolution de
l’enveloppe bien-être.
– … - Autres revendications
Fin de carrière faisable, des pensions décentes, des allocations de chômage garanties, des règles équitables pour les travailleurs en incapacité de travail ou en invalidité, des soins de santé accessibles et de qualité.
La sécurité sociale, notre conquis social
Les mouvements de « révolte » causés par les travailleurs ont été le véritable moteur de la création et du développement de la sécurité sociale que nous connaissons aujourd’hui.

Les récentes crises économiques et les faillites ont dangereusement entamé son efficacité et mis à mal un certain nombre de bénéficiaires, c’est-à-dire un certain nombre d’entre nous.
Renforcer et développer cette conquête sociale constituée au fil du temps sera la seule alternative pour garantir le bien-être et la sécurité de tous.
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